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Adrien : « Il faut faire preuve de réalisme »

1Après une dizaine d’années passées à l’étude exclusive du japonais, Adrien est maintenant traducteur et interprète indépendant. Son statut est encore assez précaire, mais il n’a aucun regret. Il affirme que le japonais est une langue qu’on ne finit jamais d’apprendre, et dont la pratique et la régularité sont des éléments essentiels.

 

Yuai : Adrien, bonjour ! Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?  

 Adrien : J’ai 27 ans et suis diplômé d’un Master spécialité Études Japonaises et d’un Master Sociologie Générale à l’EHESS. Je suis depuis fin 2012 traducteur interprète indépendant (pour le moment statut auto-entrepreneur) japonais – français

Je m’intéresse beaucoup à la littérature japonaise, ainsi qu’à la sociologie, à la traduction littéraire, à la gastronomie et la culture japonaise. J’ai notamment un intérêt très fort concernant la cérémonie du thé. J’ai d’ailleurs travaillé pendant près d’un an dans une maison de thé traditionnelle lorsque je vivais au Japon.

Je pratique par ailleurs la trompette, je suis passionné de musique et en particulier de jazz. Je suis de nature plutôt réfléchie, calme et solitaire, ce qui a eu son importance dans mon choix d’orientation professionnelle.

 Yuai : D’où vient ton intérêt pour le Japon ?

Adrien : J’ai depuis longtemps une curiosité assez générale pour les langues et cultures étrangères. Je m’intéressais notamment à toutes les langues possédant un système de graphie complètement différent du français, comme le Russe ou le Chinois.

Mais c’est avec la langue japonaise que j’ai eu un véritable déclic, lorsque j’ai découvert un recueil bilingue de haïkus. J’ai été fasciné par l’écriture, les kanjis, la calligraphie. On peut donc dire que mon premier contact avec le japonais a été plus visuel que “sonore”. Cette expérience m’a poussé à apprendre le japonais en autodidacte dès le lycée. De là est né un intérêt pour le Japon plus largement, pour la culture du Pays, la société, etc.

Yuai : Qu’est-ce qui t’a motivé à trouver un emploi en relation avec le Japon ?

Adrien : D’abord par un souci de cohérence entre mes choix, mes envies générales, ma formation et mon activité professionnelle. N’ayant pas d’autre formation ou d’autres compétences que la maîtrise de la langue japonaise, il me semblait inconcevable de chercher dans un autre “domaine”.

Yuai : Concernant ton apprentissage du Japonais, quels ont été les points difficiles ?

 Adrien : Cela fait aujourd’hui cela fait près d’une dizaine d’années que je me suis lancé dans l’étude du japonais (étude qui ne s’arrête à peu près jamais). L’apprentissage en tant que tel n’est pas extrêmement difficile si l’on se donne les bons outils et les bonnes occasions de pratiquer. Ce qui est plus difficile, c’est de s’imposer la discipline, la rigueur et la régularité que requièrent ces études. C’est un peu comme en musique, il vaut mieux travailler 30 minutes chaque jour que 2 heures le week-end parce qu’on n’a pas eu le temps de réviser dans la semaine. L’apprentissage d’une langue passe par son assimilation jusqu’à un certain degré d’automatisme et de spontanéité.

Autre point important : la pratique (écrire et parler) ! Et si les occasions de pratiquer ne se présentent pas d’elles-mêmes, créez vous des occasions de pratiquer (rencontrer des locuteurs natifs pour échanger, regarder des séries, et lorsque le niveau le permet, lire beaucoup, la presse, des revues, des romans). Trouvez des objectifs intermédiaires pour vous donner une motivation complémentaire : préparation d’un séjour au Japon, objectif professionnel, passer un examen (type JLPT), etc.

Yuai : D’ailleurs, as-tu passé des examens JLPT ?

 Adrien : Mon niveau de japonais actuel correspond très certainement à un JLPT Niveau 1 ; mais je n’ai jamais souhaité passer cet examen pour plusieurs raisons, et notamment parce que ça n’a aucun sens dans mon activité professionnelle selon moi. Malgré tout, le JLPT est un label reconnu par les universités et les entreprises japonaises, et il est donc recommandé de posséder ce titre si l’on souhaite plus facilement obtenir un visa (d’étude ou de travail) pour le Japon.

Yuai : Peux-tu nous parler de ton séjour au Japon ?

 Adrien : J’ai vécu un peu plus de 2 ans au Japon, sans compter les séjours linguistiques de courte durée. La première année, j’étais à Tôkyo dans le cadre d’un échange universitaire à Hôsei Daigaku où j’ai effectué mon année de Master 1. La deuxième année, c’était à Kyôto dans le cadre d’un visa vacances-travail, avec l’objectif de faire l’expérience de la vie professionnelle au Japon, de perfectionner ma maîtrise de langue, et de (re)découvrir certains aspects qui m’avaient échappés.

Yuai : aurais-tu des conseils à donner aux personnes souhaitant se lancer dans le même parcours que toi ?

 Adrien : Disons que je vois deux approches différentes dans l’apprentissage du japonais, selon que l’on souhaite avoir le japonais en renfort pour des situations occasionnelles (recevoir des clients japonais de temps à autre) ou bien devoir utiliser le japonais quotidiennement. Après avoir répondu à cette question, on peut se diriger vers l’approche 1 ou 2 :

1. Une connaissance générale de la langue qui peut constituer un complément à d’autres compétences et/ou formations dans des secteurs liés (tourisme, commerce, etc)

2. Une maîtrise de très haut niveau de la langue japonaise, que l’on doit toujours entretenir, enrichir, ce qui implique une discipline quasi quotidienne. Moi-même, lorsque je ne suis pas occupé par des missions de traduction, même après plusieurs années d’études, je travaille mon japonais, je lis beaucoup, je tiens des listes de vocabulaire, je “révise” mes kanjis, etc… Cette option de ne travailler qu’avec la “compétence japonais” offre moins de perspectives/débouchés dans la mesure où le marché est assez restreint et fortement concurrentiel. Il faut par ailleurs envisager une formation plus professionnalisante en traduction ou interprétariat (ce que je n’ai pas fait), apprendre à utiliser un certain nombre d’outils informatique (TAO notamment), et se documenter sur ses domaines de prédilection ou de spécialisation.

Yuai : Et maintenant, es-tu satisfait de ta situation professionnelle ?

 Adrien : Ma situation est encore précaire et instable. Cela dit c’est le propre de tout travailleur indépendant… Ayant commencé activement mon activité de traducteur interprète depuis moins de deux ans, je me trouve encore à une étape de constitution de mon réseau, d’une clientèle. Le volume de travail, des commandes, peut être extrêmement variable d’un mois à l’autre, bien que cela tende à se stabiliser depuis septembre 2013. Il est très difficile de se lancer dans le contexte actuel, mais la satisfaction de pouvoir travailler exclusivement avec la langue japonaise est grande, et la modalité de travail (en partie en solitaire, à domicile, mais aussi faite de rencontres avec différents clients lors de missions d’interprétariat, etc) correspond parfaitement à ma personnalité et à mes aspirations.

Yuai : Quelques conseils supplémentaires ?

 Adrien : Faire preuve de réalisme, avoir des ambitions raisonnables (ne pas espérer devenir traducteur littéraire avec un Deug de japonais par exemple, l’apprentissage du japonais est un engagement sur le long terme), intégrer un ou plusieurs séjours de longue durée dans la démarche d’apprentissage afin de mettre en pratique les acquis et de les valider “sur le terrain”.

Il faut aussi envisager une deuxième formation, ou une double compétence lorsque ce n’est pas déjà fait. Il ne faut pas négliger l’anglais, ni le français (par exemple en traduction 50% du travail concerne la restitution en français, il faut donc être à l’aise avec l’écriture et avoir une orthographe irréprochable).

On peut tout à fait envisager de trouver un emploi en relation avec le Japon/le japonais avec un niveau licence en japonais, auquel cas, comme je l’expliquais, il y a nécessité à avoir une ou plusieurs autres compétences.

Cela dit il n’y a pas de règle absolue, et il ne s’agit là que d’indications globales. Il existe des exceptions, des gens qui sont partis au Japon avec une licence en poche et qui sont revenus avec un excellent niveau (oral, écrit, ou les deux). Enfin le hasard des rencontres peut accélérer ou ralentir les choses dans un parcours.

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